Page:Brochet - La Meilleure Part.djvu/8

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une machine à écrire, parce que j’exercerai une profession qui me plaît et qui m’enthousiasme ?

Comme elle était jolie ! Derrière elle, les grands arbres, les ruines romantiques du parc se mirant dans la pièce d’eau, semblaient constituer déjà un décor de théâtre dont le soleil couchant était le projecteur ; il ciselait le fin visage de la jeune fille, changeait ses cheveux blonds en auréole et lui mettait aux yeux le désir du succès… Oui, elle était faite pour la lumière, la musique, les bravos… C’était si évident qu’Yves en fut accablé. Il eut un pauvre sourire.

— Au contraire, ma chérie, je ne vous en aimerai que davantage. Mais vous ?…

Elle fronça ses sourcils si bien dessinés.

— Moi ?… Que voulez-vous dire ? Croyez-vous que je ne puisse pas rester sérieuse dans ce milieu aussi bien que dans un autre ? Vous croyez encore aux vieilles histoires suivant lesquelles les artistes mènent une vie frivole et débauchée ?

Il protesta.

— Non ! Je sais fort bien que la plupart des vrais artistes ont une existence régulière et même bourgeoise. Et puis, j’ai confiance en vous, Gisèle…

— Merci, murmura-t-elle en souriant.

— … Mais reprit-il, je veux dire que votre profession va vous accaparer totalement… D’abord, elle va vous séparer de moi, vous éloigner souvent… Même quand vous serez à Paris, vous n’aurez pas beaucoup de temps à me consacrer… Les représentations, les répétitions, les essayages, la publicité, et mille choses qui doivent surgir à chaque instant… Que restera-t-il pour moi, dans ce tourbillon où vous serez entraînée ?

Elle rit encore, et cette fois c’était son rire frais, son rire de gamine, qu’il aimait tant.

— Holà !… Comme vous y allez ! Pas si vite, grand fou ! Vous voilà plus emballé que moi ! Vous me voyez déjà vedette !

— Naturellement. Si vous vous lancez dans ce métier, vous réussirez ! affirma-t-il avec ferveur.

Elle lui caressa doucement la joue. Elle était émue et ravie.

— C’est gentil de me dire ça, monsieur mon fiancé… Mais je n’en suis pas encore là. Pour le moment, je vais prendre des cours de comédie et de chant. Je ne débuterai pas avant plusieurs mois, plusieurs années peut-être…

— Oh ! soupira-t-il, je suis sûr que vous n’attendrez pas longtemps… Vous êtes si jolie ! Les directeurs et les producteurs se disputeront ma petite Gisèle, et moi je serai délaissé…