Page:Broglie - La morale évolutioniste.djvu/65

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antériurs. Tacite loue la chasteté des Germains, qui faisait contraste avec les mœurs romaines. C’est à Babylone. centre de la civilisation assyrienne, c’est en Lydie, dans le pays de Crésus, fameux pour son luxe et ses richesses, que se pratiquaient ces usages d’une immoralité révoltante qu’Hérodote nous atteste. C’est dans l’empire des Sassanides, c’est-à-dire des rois perses qui avaient hérité de la civilisation grecque, qu’étaient appliquées ces lois odieuses qui, non seulement permettaient mais encourageaient l’inceste aux degrés les plus rapprochés, le mariage des enfants avec leurs propres mères. Les désordres moraux reprochés tant aux sauvages actuels qu’aux barbares de l’antiquité se retrouvent chez les peuples les plus civilisés de l’antiquité.

Ici encore nous retrouvons la même loi que nous avons déjà signalée. La morale idéale, la loi morale toujours identique à elle-même, ne se trouve pleinement enseignée que par l’Évangile. Elle l’est partiellement par certaines doctrines religieuses, par certaines écoles-philosophiques ou par certaines portions de la littérature des peuples qui ont eu le sentiment de l’idéal ; elle est aussi partiellement gravée dans quelques législations civiles. Mais en dehors des religions. des philosophies. de la littérature et des codes, la morale reste à l’état de coutume ; et ces coutumes, très variables, sont souvent aussi corrompues chez les peuples civilisés que chez les peuples barbares.

En résumé, rien ne prouve qu’il y ait eu dans la conscience morale des hommes un progrès aussi marqué que le veulent nos adversaires, ni surtout d’un progrès universel et continu. Qu’on parcoure le monde d’une extrémité à l’autre, qu’on lise l’histoire des peuples, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, le spectacle que présente l’humanité est toujours le même. Partout elle voit le bien et l’accomplit imparfaitement ; partout elle condamne le vice et le commet. Partout, en un mot, on retrouve l’homme avec sa conscience, avec ses aspirations à l’idéal, partout aussi on trouve l’homme avec ses passions et ses vices. Le seul progrès durable, universel et sans retour, est celui qu’apporte la doctrine chrétienne, parce qu’elle vient du ciel et non de la terre. Mais quand l’homme est livré à ses propres forces, il est. au point de vue moral, toujours à peu près semblable à lui-même. Les variations et les anomalies ne dépassent pas certaines limites et nous pouvons considérer comme également chimériques, l’homme primitif sans moralité aucune, et l’homme de l’avenir qui doit faire le bien sans qu’il lui en coûte, et dont les instincts seront si bons, qu’il n’aura plus besoin du frein du devoir.