Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gentilhomme et, sans affectation, ne le laissait pas oublier. Entré de bonne heure à l’École d’artillerie, son éducation scientifique était supérieure à son éducation littéraire, il avait néanmoins l’esprit cultivé. Orgueilleux, qui ne l’était pas en ce temps ? qui ne l’aurait pas été à sa place ? un peu fastueux dans son abord et dans l’ensemble de ses habitudes, il était au fond bien indulgent et serviable. Il se piquait, non sans raison, d’être bon administrateur : il était éclairé, vigilant, laborieux, attentif, prenait grand soin du soldat, et traitait les habitants avec équité. Il était très aimé de sa famille militaire, honoré et respecté des généraux qui servaient sous ses ordres. Le malheur et les injustices des hommes l’ont aigri vers la fin de sa vie, et lui ont dicté dans ses mémoires posthumes des pages très regrettables mais il était digne d’un meilleur sort ; il était digne de ne point faire ce qu’il a fait, et de ne point écrire ce qu’il a écrit.

Son rêve, à cette époque, rêve qui, d’ailleurs, était assez sensé, c’était d’établir dans les provinces illyriennes une vice-royauté, réglée sur des conditions très différentes de l’organisation française, que l’intendant général, M. Dauchy, avait pour mission d’inoculer, trait pour trait, aux pays