Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/108

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la terre d’exil, et fidèle à leur mémoire, quand il ne lui resta plus rien à sacrifier à leur malheur. C’était une grande dame, et une grande âme. Je n’ai rien vu de ma vie qui m’ait fait une telle impression, rien de si imposant, de si fier et de si doux. Elle vivait de peu, dans une solitude absolue, ne recevait aucun étranger, aucun habitant de Trieste, personne, en un mot, qui n’eût approché ou servi Mesdames royales ; elle tenait à distance tous ceux à qui sa porte n’était pas fermée, son fils aussi bien que moi, qu’elle n’avait admis que par exception. Une égalité d’âme admirable ; pas un mot de plainte, de récrimination, pas un retour sur le passé ; l’air d’une reine qui a pleuré son époux sans regretter le rang suprême.

M. de Narbonne avait également retrouvé à Trieste l’un de ses amis, le comte de Pontgibaud, devenu banquier durant l’émigration, exerçant cette profession avec beaucoup de probité, d’intelligence et de succès, mais avec trop de générosité et d’habitude de gentilhomme pour y faire une grande fortune.

La duchesse de Raguse vint bientôt ouvrir et tenir la maison de son mari. C’était la fille du célèbre banquier Perregaux, et la sœur d’un de mes