Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/195

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chorus à l’ivresse générale. C’était à qui crierait Polsko zye ! (la Pologne vit !) à qui chargerait son chapeau et sa boutonnière des couleurs polonaises ; à qui débiterait ou applaudirait à la dictée des harangues copiées de Rulhière, qui lui-même les avait copiées de Thucydide et de Tite-Live ; à qui donnerait ou recevrait de grands dîners, qui achèveraient de vider des bourses déjà bien à sec, y compris celle de l’ambassadeur, lequel vivait d’emprunts et de crédit.

Les choses allèrent ainsi jusqu’au moment où l’empereur, sur le point de partir de Wilna, et trouvant apparemment que nous le déguisions trop, jugea convenable, en donnant audience aux députés de la Diète, de leur jeter sur la tête un grand seau d’eau froide.

Le remède fut sans effet sur les pauvres gens ils étaient engagés jusqu’à la garde, ils avaient donné tout ce qu’ils avaient ; mais il opéra sur notre ambassade, et, la Diète s’étant dispersée, nous restâmes à peu près entre nous bavardant jour et nuit sur l’Assemblée constituante, sur le passé et sur le présent, criant comme des aigles et tuant le temps comme des badauds, en attendant des nouvelles de la grande armée. Notre ambassadeur con-