Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/22

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gogne, mes parents recevaient à dîner, et souvent le soir, les membres les plus importants de l’Assemblée constituante, ou, pour parler plus exactement les membres du côté gauche de cette assemblée. Mon père n’avait point fait partie des 47 députés qui se réunirent au tiers état le 25 juin 1789, mais il avait fait partie de ceux qui, trouvant dans les injonctions de leur mandat un obstacle insurmontable à cette réunion, en exprimèrent le regret.

Je n’ai assisté qu’une seule fois aux séances de l’Assemblée constituante.

On m’y conduisit le jour où mon père la présidait. La séance fut fort bruyante. Il ne m’en reste que le souvenir du tumulte, des cris, des appels à l’ordre. La sonnette que mon père agitait sans cesse tinte encore à mon oreille ; mais ce souvenir, tout confus qu’il est, se présente vivement à mon esprit, chaque fois que je jette les yeux sur quatre gravures que j’ai placées, il y a bientôt trente ans, dans mon cabinet. On y voit, en regard l’un de l’autre, ici le Serment du Rutli, là les Barons d’Angleterre imposant la grande charte à Jean sans Terre ; d’un côté la Déclaration d’indépendance des États-Unis, de l’autre le Serment du Jeu-de-Paume.