Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/228

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Ayant été reçu à bras ouverts par le père de notre impératrice et par M. de Metternich, comblé de témoignages d’affection apparents ou réels, peut-être autant l’un que l’autre, M. de Narbonne n’avait point à se plaindre. Il tenait grande maison ; il était invité avec empressement dans toutes les réunions ; la haute société suivait l’exemple des maîtres ; mais le diable n’y perdait rien.

M. de Narbonne ne se faisait non plus aucune illusion. Il démêlait fort bien ce qui se cachait de haine et d’espérance sous ces démonstrations de commande. Il voyait beaucoup de monde, matin et soir. En rentrant vers une heure après minuit, il me trouvait de pied ferme dans son cabinet ; il me confiait ses observations et ses réflexions de la journée ; j’en tenais note, et, s’il y avait lieu, j’en faisais dépêche ; le lendemain, à son réveil, je lui soumettais mon travail nocturne ; après l’avoir approuvé ou rectifié, il y joignait, le plus souvent une lettre de sa main que je copiais, tandis que son secrétaire particulier copiait la dépêche ; le tout était cacheté et expédié, sans que personne autre que nous trois en eût connaissance. Le secrétaire particulier de M. de Narbonne était M. Tellier, mort depuis consul général à Gênes.