Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/93

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contrariété, goût de dissipation ou autre ; je m’étais proposé d’éviter avec soin cet écueil, et je me suis tenu parole. Durant tout le cours de mon séjour à Raab, je ne sortis point des limites du territoire dont l’administration m’était confiée, et, moyennant cette précaution, j’évitais les reproches que j’aurais reçus, sans doute, bien ou mal à propos, si j’avais montré mon visage, et donné occasion de penser à moi.

Ma prudence en ceci avait peu de mérite. La société de M. de Narbonne était pleine de charme, il réussissait à captiver, par sa bonne humeur, les habitants de Raab et des environs, autant qu’à les désarmer par sa justice et sa bonté.

La population soumise à l’armée française, en Hongrie, n’avait rien d’original, rien même de remarquable ; la noblesse s’était retirée à Bude sous la protection de la cour et de l’armée autrichienne ; l’évêque de Raab avait pris le même parti. La bourgeoisie de cette ville ne différait guère de la bourgeoisie des autres villes d’Europe que par un peu plus de culture intellectuelle ; elle parlait couramment un latin défectueux entremêlé de germanisme ; elle parlait habituellement en hongrois également corrompu, s’il en faut croire les habiles ; mais,