Page:Brongniart - Plans du Palais de la Bourse de Paris et du cimetière Mont-Louis.djvu/13

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pas que le bon esprit des personnes qui les feroient exécuter ne leur prouvât qu’elles doivent toujours être faites dans le style et dans le système général de l’auteur de l’édifice. Le vrai mérite des travaux d’un artiste qui veut bien se charger de continuer ceux d’un autre, c’est de confondre tellement les nouvelles parties avec les anciennes, de suivre tellement la pensée et le style de son prédécesseur, que les gens les plus habiles dans le même art ne puissent s’apercevoir du changement de main ; et quoique la touche d’un architecte, s’il est permis de s’exprimer ainsi, soit moins caractérisée, et par conséquent plus aisée à suivre que celle d’un écrivain ou d’un peintre, cependant il faut encore, pour la reconnoître et la saisir, un tact et des études qu’un habile architecte peut seul posséder. C’est ainsi que les artistes croyent pouvoir distinguer, dans le Palais des Tuileries, les parties qui sont dues à Philibert de Lorme, de celles qui appartiennent à Bullant, malgré le silence de l’Histoire sur la part que chacun de ces architectes a eue dans la composition de cet édifice.

Toutes les continuations d’édifices qui n’ont pas été faites dans cet esprit, ont été justement critiquées, lors même que les nouveaux travaux sont meilleurs que les anciens. Les plus grands architectes, quand ils n’ont été influencés par aucune passion, et quand un sens droit s’est trouvé réuni chez eux au génie, ont été convaincus de cette maxime ; ils n’ont admis que des changements évidemment indispensables, et que l’auteur même eût faits s’il eût pu continuer son édifice. Aussi n’y a-t-il, dans ce cas, que l’histoire des Arts qui puisse nous apprendre qu’un édifice a été dirigé successivement par plusieurs architectes, tandis que, dans l’autre cas, la diversité du goût et du style n’est que trop sensible. Qui ne s’aperçoit, par exemple, que le Palais des Tuileries, le Louvre et sa galerie, ont été successivement entre les mains de plusieurs architectes[1] ? et cependant, en continuant ce dernier édifice, des architectes, qui ont acquis par leurs travaux et leur réputation le droit de faire autorité, croyent devoir se conformer entièrement au système dominant. Ils donnent ainsi un exemple frappant de l’application des principes que nous venons d’énoncer.

Quoique ces nombreuses et puissantes considérations, qui n’ont certainement pas échappé aux gens de l’art, nous persuadent que les ouvrages

  1. On sait que Philibert de Lorme, Bullant, du Cerceau et Leveau ont été successivement architectes des Tuileries ; que la galerie du Louvre a été construite par du Cerceau, du Perron et Clément Métezeau ; que Pierre Lescot, le Mercier, le Veau, Claude Perrault et Gabriel se sont succédés comme architectes chargés de la continuation du Louvre.