Page:Brontë - Le Professeur.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de son cœur enthousiaste et de son ardeur à l’étude, de sa générosité et de son intelligence ; sa fortune et son titre n’entraient pour rien dans l’affection que mistress Crimsworth ressentait pour lady Catherine.

Je passais donc toutes mes journées dehors, à l’exception d’une heure que ma femme réclamait pour son établissement, et dont pour rien au monde elle ne m’aurait fait grâce. Il fallait, disait-elle, que je me tinsse au courant de ce qui se faisait dans la maison, du caractère de ses élèves et du progrès des études, afin que je pusse m’intéresser aux choses qui l’occupaient sans cesse, et lui donner mon avis dans les cas difficiles. Elle aimait à s’asseoir auprès de moi lorsque je donnais mes leçons de littérature anglaise, et, les mains croisées sur ses genoux, à se montrer la plus attentive de tout mon auditoire. Il était rare qu’elle m’adressât la parole dans la classe, et elle ne le faisait jamais sans un air de déférence marquée ; c’était son plaisir et sa joie de me donner partout la première place et de faire voir que j’étais le maître en toute chose.

À six heures, mes travaux du jour étaient finis ; je revenais bien vite, à la maison, car pour moi c’était le ciel. Quand j’arrivais alors dans notre petit salon particulier, ce n’était plus Mme la directrice qui venait à ma réncontre ; mais Frances Henri, ma petite raccommodeuse de dentelle, qui, par magie, se retrouvait dans mes bras. Qu’elle aurait été désappointée, si son maître n’eût pas été fidèle au rendez-vous et n’eût pas répondu par un baiser au bonsoir qu’elle me disait d’une voix si douce !

Elle me parlait français et je la grondais bien fort ; j’essayais de la punir ; mais il fallait que le châtiment ne fût pas très-judicieux, car, loin de réprimer la faute, il semblait, au contraire, la pousser à la récidive. Nos soirées nous appartenaient complètement ; nous en