Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/190

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vous veniez, Hélène, très prochainement. N’écrivez pas, mais venez et apportez-moi quelque chose d’Edgar.

Maintenant, il faut que je vous dise comment j’ai été reçue dans ma nouvelle demeure, car j’imagine que c’est ainsi que je dois considérer les Hauts. C’est pour m’amuser que je m’arrête à des sujets tels que le manque de commodités matérielles ; ils n’ont jamais occupé ma pensée, sauf au moment précis où j’en souffre. Je rirais et danserais de joie si je découvrais que ces privations sont toutes mes misères et que le reste n’est qu’un rêve fantastique !

Le soleil se couchait derrière la Grange quand nous débouchâmes sur la lande ; je jugeai par conséquent qu’il pouvait être six heures. Mon compagnon s’arrêta une demi-heure pour inspecter de son mieux le parc, les jardins et, probablement, la maison elle-même, de sorte qu’il faisait nuit quand nous mîmes pied à terre dans la cour pavée de la ferme. Votre vieux camarade Joseph sortit pour nous recevoir à la lueur d’une chandelle, avec une courtoisie qui faisait honneur à sa réputation. Il commença par élever la lumière à hauteur de ma figure, loucha d’un air mauvais, avança la lèvre inférieure et fit demi-tour. Puis il prit les deux chevaux et les conduisit à l’écurie ; il revint ensuite fermer la barrière extérieure, comme si nous vivions dans un château-fort du temps jadis.

Heathcliff s’arrêta pour lui parler et j’entrai dans la cuisine, un trou noir et sale ; je crois que vous ne la reconnaîtriez pas, tant elle est changée depuis le temps où c’était votre domaine. Près du feu se tenait un enfant, à l’air canaille, fortement charpenté et malproprement vêtu ; il y avait dans ses yeux et dans sa bouche une expression qui rappelait Catherine.