Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/192

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Et il continua son ouvrage, sans cesser de remuer ses joues creuses, en examinant avec un mépris suprême mon costume et ma mine — l’un beaucoup trop élégant, mais l’autre, j’en suis sûre, triste à souhait.

Je fis le tour de la cour, franchis une petite barrière et arrivai à une autre porte où je pris la liberté de frapper, dans l’espoir que quelque domestique un peu plus poli se montrerait. Au bout d’un moment la porte fut ouverte par un homme de haute taille, maigre, sans cravate et d’ailleurs extrêmement mal tenu. Ses traits étaient noyés dans une masse de cheveux hirsutes qui lui pendaient sur les épaules ; et ses yeux, eux aussi, ressemblaient à ceux du fantôme de Catherine dont toute la beauté serait anéantie.

— Que faites-vous ici ? demanda-t-il d’un ton farouche. Qui êtes-vous ?

— Mon nom était Isabelle Linton, répondis-je. Vous m’avez déjà vue, monsieur. J’ai épousé récemment Mr Heathcliff et il m’a amenée ici… avec votre agrément, je suppose.

— Il est revenu, alors ? interrogea l’ermite en lançant des regards de loup affamé.

— Oui… nous venons d’arriver. Mais il m’a laissée à la porte de la cuisine ; quand j’ai voulu entrer, votre petit garçon s’est mis à faire la sentinelle en faction et, avec l’aide d’un bouledogue, m’a fait reculer tout effrayée.

— Le damné coquin a bien fait de tenir sa parole ! grommela mon futur hôte en scrutant les ténèbres derrière moi pour y découvrir Heathcliff ; puis il se livra à un soliloque d’imprécations et de menaces sur ce qu’il aurait fait si le « démon » l’avait trompé.

Je me repentais d’avoir essayé cette seconde entrée et j’avais envie de m’échapper avant qu’il eût terminé ses