Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/249

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ses yeux de basilic étaient presque éteints par l’insomnie, par les larmes peut-être, car ses cils étaient encore humides ; ses lèvres, d’où le féroce ricanement avait disparu, étaient serrées, avec une expression d’indicible tristesse. Si c’eût été tout autre, je me serais caché la figure en présence d’une telle douleur. La sienne me procurait du plaisir ; et, quelque lâcheté qu’il semble y avoir à insulter un ennemi tombé, je n’ai pu me retenir de profiter de cette occasion de lui décocher un dard. Ses moments de faiblesse étaient les seuls où je pusse goûter le délice de rendre le mal pour le mal.


— Fi ! fi ! Miss, interrompis-je. On croirait que vous n’avez jamais de votre vie ouvert une Bible. Quand Dieu afflige vos ennemis, sûrement cela devrait vous suffire. Il est à la fois vil et présomptueux d’ajouter votre torture à la sienne.

— Je reconnais que c’est vrai en général, Hélène. Mais quel est le supplice infligé à Heathcliff qui pourrait me contenter, si je n’y étais mêlée ? Je préférerais qu’il souffrît moins, si je pouvais être la cause de ces souffrances et qu’il sût que j’en suis la cause. Oh ! mon compte avec lui est si chargé ! Je ne puis espérer de lui pardonner qu’à une condition : c’est de m’être payée d’abord œil pour œil, dent pour dent, torture pour torture, et de l’avoir réduit à mon état. Puisque c’est lui qui a commis la première offense, qu’il soit le premier à implorer le pardon ; et alors… eh bien ! alors, Hélène, je pourrais montrer un peu de générosité. Mais comme il est absolument impossible que je puisse jamais me venger, je ne puis donc lui pardonner.