Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/252

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Mrs Heathcliff, elle aurait bientôt offert un semblable spectacle. Elle n’eût pas supporté tranquillement votre abominable conduite, elle ; il eût fallu que sa haine et son dégoût trouvassent une voix.

Le dossier du banc et la personne d’Earnshaw me séparaient de lui, de sorte qu’au lieu d’essayer de m’atteindre il a saisi un couteau sur la table et me l’a lancé à la tête. La lame m’a frappé sous l’oreille et a arrêté la phrase que je prononçais en ce moment. Mais je l’ai retirée, j’ai couru à la porte en lui jetant encore quelques mots qui, je l’espère, auront pénétré un peu plus profondément que son projectile. Comme tableau final, je l’ai vu s’élancer avec furie, être arrêté par son hôte qui l’avait saisi à bras-le-corps ; puis tous deux ont roulé enlacés devant la cheminée. En traversant la cuisine dans ma fuite, j’ai dit à Joseph d’aller vite trouver son maître ; j’ai renversé Hareton, qui était en train de s’amuser à suspendre une portée de petits chiens au dossier d’une chaise à l’entrée de la porte, et, heureuse comme une âme échappée du purgatoire, j’ai bondi, sauté, volé, sur la route escarpée. Puis, négligeant ses détours, j’ai pris droit à travers la lande, culbutant sur les talus, m’enfonçant dans les marécages. Je me précipitais tête baissée vers mon phare, la lumière qui brillait à la Grange. Et je consentirais plus volontiers à un séjour perpétuel dans les régions infernales qu’à reprendre place, fût-ce pour une seule nuit, sous le toit de Hurle-Vent.


Isabelle se tut et but un peu de thé. Puis elle se leva, me demanda de lui mettre son chapeau et un grand châle que j’avais apportés, et sourde à ma prière de rester encore une heure, monta sur une chaise, baisa les portraits d’Edgar et de Catherine, m’embrassa à mon