Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/253

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tour et descendit prendre la voiture, accompagnée de Fanny qui aboyait de joie d’avoir retrouvé sa maîtresse.

Elle partit donc, ainsi chassée, pour ne plus jamais revenir dans le pays. Mais une correspondance régulière s’établit entre elle et mon maître quand les choses se furent un peu arrangées. Je crois qu’elle avait choisi sa nouvelle demeure dans le sud, près de Londres. C’est là qu’elle mit au monde un fils, quelques mois après sa fuite. Il reçut le prénom de Linton et, dès le début, elle le dépeignit comme une créature maladive et irritable.

Mr Heathcliff, me rencontrant un jour dans le village, me demanda où elle habitait. Je refusai de le lui dire. Il répliqua que cela lui importait peu, mais qu’elle devait se garder de venir chez son frère : il ne fallait pas qu’elle vécût avec lui, dût-il, pour l’en empêcher, la reprendre lui-même. Bien que je n’eusse voulu lui donner aucune indication, il découvrit, par quelque autre domestique, le lieu de son séjour et l’existence de l’enfant. Il n’inquiéta pourtant pas Isabelle, ce dont elle put rendre grâce, je suppose, à l’aversion qu’elle lui inspirait. Il s’informait souvent de l’enfant quand il me voyait. En apprenant son nom, il eut un vilain sourire et dit :

— Ils veulent donc que je le haïsse aussi, sans doute ?

— Je ne crois pas qu’ils désirent que vous sachiez rien de lui, répondis-je.

— Mais je l’aurai quand j’aurai besoin de lui. Ils peuvent y compter !

Heureusement, sa mère mourut avant que ce moment fût venu, treize ans environ après Catherine : le petit Linton avait douze ans, ou un peu plus.

Le lendemain de la visite inopinée d’Isabelle, je n’eus pas