Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/277

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celui sur la tête de qui elle avait été prise. Oh ! je suis heureuse… et papa, mon cher papa ! Allons ! Hélène, courons ! Allons ! courons !

Elle courut, revint, courut encore plusieurs fois avant que mes pas plus mesurés eussent atteint la porte du parc. Puis elle s’assit sur le talus gazonné au bord du chemin et essaya d’attendre patiemment. Mais c’était impossible ; elle ne pouvait pas rester une minute en repos.

— Comme ils tardent ! s’écria-t-elle. Ah ! je vois de la poussière sur la route… ils arrivent ! Non ! Quand seront-ils ici ? Ne pourrions-nous aller un peu sur la route… pendant un demi-mille, Hélène, juste pendant un demi-mille seulement ? Dites oui, je vous en prie : jusqu’à ce bouquet de bouleaux au tournant !

Je refusai formellement. Enfin son attente cessa ; la voiture des voyageurs apparut. Miss Cathy poussa un cri et tendit les bras dès qu’elle aperçut la figure de son père penchée à la portière. Il descendit, presque aussi impatient qu’elle ; et un intervalle de temps considérable s’écoula avant qu’ils pussent accorder une pensée à quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes. Pendant qu’ils échangeaient leurs caresses, je jetai un regard dans la voiture pour voir Linton. Il dormait dans un coin, enveloppé dans un chaud manteau de fourrure, comme si l’on eût été en hiver. C’était un garçon pâle, délicat, efféminé, qu’on aurait pu prendre pour le jeune frère de mon maître, tant était forte la ressemblance ; mais il y avait dans son aspect une irritabilité maladive qu’Edgar Linton n’avait jamais eue. Ce dernier s’aperçut de ma curiosité ; après m’avoir serré la main, il me dit de refermer la portière et de ne pas déranger l’enfant, car le voyage l’avait fatigué. Cathy aurait volontiers jeté un coup d’œil sur lui, mais son père