Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/398

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est née d’une façon singulière. Vous savez que j’ai été comme fou après sa mort ; éternellement, de l’aube jusqu’à l’aube, je la suppliais de m’envoyer son fantôme ! Je crois fermement aux revenants : j’ai la conviction qu’ils peuvent exister, et qu’ils existent, au milieu de nous. Le jour de son enterrement, il y eut une chute de neige. Le soir, j’allai au cimetière. Le vent était glacial comme en hiver ; tout, autour de moi, était solitude. Je ne craignais pas que son imbécile de mari vînt errer de ce côté à pareille heure ; et nul autre n’avait affaire là. Étant seul, et sachant que deux mètres de terre meuble étaient l’unique obstacle qui nous séparât, je me dis : « Il faut que je la tienne une fois encore dans mes bras ! Si elle est froide, je penserai que c’est le vent du nord qui me glace, moi ; si elle est immobile, c’est qu’elle dormira. » Je pris une bêche dans ce hangar aux outils et me mis à creuser de toutes mes forces. La bêche racla le cercueil ; je continuai à travailler avec mes mains. Le bois commença de craquer près des vis. J’étais sur le point d’arriver à mon but, quand il me sembla entendre au-dessus de moi, près de l’angle de la tombe, le soupir de quelqu’un qui se penchait. « Si je puis seulement soulever le couvercle », murmurai-je, « je souhaite qu’on nous recouvre de terre tous deux ! » Et je m’appliquai à ma tâche avec plus de fureur encore. Il y eut un autre soupir, tout près de mon oreille. Il me semblait sentir un souffle chaud qui déplaçait l’air chargé de grésil. Je savais qu’il n’y avait là aucun être vivant, en chair et en os ; mais, aussi certainement que l’on perçoit dans l’obscurité l’approche d’un corps matériel, bien qu’on ne puisse le discerner, je sentis que Catherine était là : non pas au-dessous de moi, mais sur la terre. Une soudaine sensation de soulagement jaillit de mon cœur et pénétra tous