Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/399

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mes membres. Je cessai mon travail désespéré ; j’étais consolé tout d’un coup, indiciblement consolé. Elle était présente à côté de moi ; elle resta pendant que je remplissais la fosse et m’accompagna jusqu’à la maison. Vous pouvez rire si vous voulez, mais j’étais sûr que, là, je la verrais. J’étais sûr qu’elle était avec moi et je ne pouvais m’empêcher de lui parler. Ayant atteint les Hauts, je courus vivement à la porte. Elle était fermée ; et, il m’en souvient, ce maudit Earnshaw et ma femme voulurent m’empêcher d’entrer. Je me rappelle m’être arrêté pour couper d’un coup de pied la respiration à Earnshaw, puis avoir couru en haut dans ma chambre et ensuite dans celle de Catherine. Je regardai impatiemment autour de moi… je la sentais près de moi… je pouvais presque la voir, et pourtant je ne la voyais pas. J’ai dû alors avoir une sueur de sang, tant était vive l’angoisse de mon désir, tant était ardente la ferveur de mes supplications pour l’apercevoir un instant seulement ! Je ne l’ai pas aperçue. Elle s’est montrée pour moi ce qu’elle avait été souvent pendant sa vie, un démon ! Et depuis lors, tantôt plus, tantôt moins, je n’ai cessé d’être le jouet de cette torture intolérable, infernale ! qui tient mes nerfs tellement tendus que, s’ils n’eussent pas ressemblé à de la corde à boyau, il y a longtemps qu’ils seraient aussi flasques que ceux de Linton. Quand j’étais assis dans la salle avec Hareton, il me semblait que, si je sortais, je la rencontrerais ; quand je me promenais dans la lande, que je la rencontrerais si je rentrais. Quand je quittais la maison, je me hâtais de revenir : elle devait être quelque part à Hurle-Vent, j’en étais certain ! Quand je voulais dormir dans sa chambre, j’en étais chassé. Je ne pouvais pas rester couché ; dès que je fermais les yeux, ou bien elle était dehors