Page:Brontë - Les Hauts de Hurle-Vent, 1946.djvu/418

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— Je vous conseille de vous taire, maintenant, répondit-il d’un ton furieux.

Son agitation l’empêcha d’en dire plus long. Il s’avança vivement vers l’entrée ; je m’effaçai pour le laisser passer. Mais, avant qu’il eût franchi le seuil, Mr Heathcliff, qui remontait la chaussée, le croisa et, lui posant la main sur l’épaule, demanda :

— Eh bien ! qu’y a-t-il, mon garçon ?

— Rien, rien.

Et il se sauva pour aller ruminer son chagrin et sa colère dans la solitude.

Heathcliff le suivit du regard et soupira.

— Il serait étrange de me contrecarrer moi-même, murmura-t-il sans s’apercevoir que j’étais derrière lui. Mais quand je cherche dans son visage les traits de son père, c’est elle que j’y trouve chaque jour un peu plus ! Comment diable lui ressemble-t-il tant ? C’est à peine si je peux supporter sa vue !

Il baissa les yeux et entra d’un air pensif. Il y avait sur sa figure une expression d’inquiétude et d’anxiété que je n’y avais encore jamais remarquée ; et il paraissait amaigri. Sa belle-fille, en l’apercevant par la fenêtre, s’échappa immédiatement dans la cuisine, de sorte que je restai seul.

— Je suis heureux de vous voir de nouveau dehors, Mr Lockwood, dit-il en réponse à mon salut ; pour des motifs égoïstes, en partie : je ne crois pas que je pourrais facilement vous remplacer, dans ce désert. Je me suis demandé plus d’une fois ce qui vous avait amené ici.

— Un simple caprice, je le crains, monsieur ; et c’est peut-être un simple caprice qui m’en chasse. Je pars pour Londres la semaine prochaine ; et je dois vous avertir que je n’ai pas l’intention de garder Thrushcross