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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/129

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cher du soleil, la terre se crispa, et, avant que la nuit fût venue, une gelée blanche se glissait insidieusement dans l’herbe qui commençait à pousser et dans les boutons entrouverts. Elle blanchissait le pavé qui s’étendait au-devant de Briarmains (la résidence de M. Yorke), et opérait son œuvre silencieuse de destruction parmi les tendres plantes de son jardin et de sa pelouse. Quant au grand arbre au tronc puissant et aux branches vigoureuses qui protégeait le pignon du côté de la route, il semblait défier une nuit de printemps de nuire à ses rameaux encore nus ; il en était de même du massif de noyers sans feuilles qui s’élevait derrière la maison.

Dans l’obscurité de cette nuit étoilée, mais sans clair de lune, les lumières des fenêtres brillaient vivement. Cette scène n’était ni sombre, ni triste, ni même silencieuse. Briarmains était situé près de la grande route ; c’était une ancienne résidence, construite avant que la route fût faite, et lorsqu’une avenue tracée à travers les champs était le seul chemin pour y arriver. Briarfield était à un mille à peine. On entendait le bruit confus qui s’en élevait, on apercevait clairement ses lumières. La chapelle de Briar, chapelle wesleyenne, grande, nue et dépourvue d’ornements, s’élevait environ à cent pas de là ; et, comme il se tenait en ce moment dans ses murs un meeting religieux, les lumières de ses fenêtres jetaient une vive réflexion sur la route, pendant qu’une hymne du caractère le plus extraordinaire, et qui eût fait tressaillir même un quaker, faisait retentir joyeusement les échos d’alentour. Peu à peu les chants changèrent de caractère : les cris, les hurlements les plus effroyables suivirent, et il fallait que le toit de la chapelle fût solide, pour ne pas voler en éclats sous une pareille explosion.

Si la chapelle était animée, il en était de même de Briarmains, quoique d’une manière plus calme. Quelques-unes des fenêtres aussi étaient illuminées. L’étage inférieur donnait sur la pelouse ; des rideaux cachaient en partie l’éclat des lumières, mais n’empêchaient pas entièrement d’entendre les voix et les rires. Nous avons le privilège de pénétrer à l’intérieur de ce sanctuaire domestique.

Ce n’est point la présence de la compagnie qui excite la joie dans la demeure de M. Yorke, car il n’y a que sa propre famille, rassemblée dans la pièce la plus retirée de l’aile gauche.

C’est l’endroit où se tiennent habituellement les réunions du