Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/244

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avec eux de la plus aimable façon. Elle s’était chargée elle-même du docteur Boultby et de M. Helstone. Le premier était un vieux Gallois, entêté, violent, obstiné, mais qui n’en faisait pas moins beaucoup de bien, peut-être avec un peu trop d’ostentation ; le dernier, nous le connaissons. Elle avait pour tous deux une sympathie amicale, surtout pour le vieux Helstone, et il lui en coûtait peu d’être charmante pour eux. Elle leur fit faire le tour du jardin, elle leur cueillit des fleurs, elle se montra comme leur fille dévouée. Elle laissa M. Hall à Caroline, ou plutôt ce fut aux soins de Caroline que M. Hall se confia lui-même.

M. Hall recherchait la société de Caroline dans toutes les réunions où il se trouvait avec elle. Ce n’était pas généralement un dameret, quoiqu’il plût à toutes les dames : c’était un dévoreur de livres, qui avait la vue basse, portait lunettes, et était sujet à de fréquentes distractions. Pour les vieilles ladies, il était bienveillant comme un fils ; il convenait aux hommes de tout état et de toute condition ; la sincérité, la simplicité, la franchise de ses manières, la noblesse de son intégrité, la réalité et l’élévation de sa piété, lui gagnaient des amis dans tous les rangs. Ses pauvres clercs et sacristains l’affectionnaient ; le noble patron de son bénéfice avait pour lui une haute estime. C’était seulement avec les jeunes, belles, fashionables et élégantes ladies, qu’il se trouvait un peu timide ; étant lui-même un homme simple, simple d’aspect, de manières, de langage, il paraissait craindre leur pétulance, leur vivacité, leur élégance et leurs grands airs. Miss Caroline Helstone n’avait ni pétulance ni grands airs, et son élégance native était du genre le plus calme, calme comme la beauté de ces fleurs qui se cachent sous les haies. M. Hall était un facile, joyeux et agréable causeur : Caroline aussi pouvait causer dans le tête-à-tête. Elle aimait à voir M. Hall, dans les réunions, prendre un siège à côté d’elle, et la préserver ainsi de Pierre-Auguste Malone, de Joseph Donne ou de John Sykes ; et M. Hall ne manquait jamais de se prévaloir du privilège toutes les fois qu’il le pouvait. Une semblable préférence montrée par un célibataire à une lady non mariée eût assurément, dans les cas ordinaires, donné lieu à la médisance ; mais Cyrille Hall avait quarante-cinq ans, était légèrement chauve, commençait à grisonner, et jamais personne n’avait dit ou pensé qu’il pût se marier avec Caroline Helstone. Il ne le pensait pas lui-même :