Aller au contenu

Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/527

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la lady revient sur ses pas, et, relevant son voile, repose son regard sur son visage en lui demandant avec douceur :

« Êtes-vous un des fils de M. Yorke ? »

Aucune évidence humaine n’eût été capable de persuader à Martin Yorke qu’il avait changé de couleur à la demande de la jeune fille ; et pourtant il avait rougi jusqu’aux oreilles.

« Oui, dit-il avec brusquerie, et en s’encourageant à attendre orgueilleusement ce qui allait arriver.

— Vous êtes Martin, je crois ? » dit la jeune lady.

Cette simple phrase, sans apprêt et prononcée avec une sorte de timidité, résonna comme une douce harmonie dans la nature de ce jeune garçon. Elle l’apaisa comme eût fait une note de musique.

Martin avait un sentiment profond de sa valeur personnelle ; il fut agréablement flatté de voir que cette jeune fille pût le distinguer de ses frères. Comme son père, il détestait la cérémonie : il aimait à entendre une femme l’appeler Martin, et non monsieur Martin ou maître Martin. Pire que la cérémonie lui paraissait l’autre extrême, la trop grande familiarité : le léger ton de timidité, l’hésitation à peine visible de Caroline, lui semblèrent parfaitement à leur place.

« Je suis Martin, dit-il.

— Comment se portent votre père et votre mère ? (Par bonheur elle ne dit pas papa et maman ; cela eût tout gâté.) Et Rose et Jessie ?

— Bien, je crois.

— Ma cousine Hortense est-elle toujours à Briarmains ?

— Oh ! oui. »

Martin prononça cela d’un ton comique et avec un demi-sourire. Le demi-sourire lui fut retourné par Caroline, qui devinait trop en quelle odeur devrait être Hortense auprès des jeunes Yorke.

« Votre mère l’aime-t-elle ?

— Elles s’entendent si bien à propos des domestiques, qu’elles ne peuvent s’empêcher de s’aimer l’une l’autre.

— Il fait froid ce soir.

— Pourquoi êtes-vous dehors si tard ?

— J’ai perdu mon chemin dans le bois. »

Pour le coup, Martin se permit un rire moqueur.

« Vous avez perdu votre chemin dans la vaste forêt de Briarmains ? vous méritez de ne le point retrouver.