Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/57

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tion ; ici, on dirait que, lorsque j’ouvre la bouche en compagnie, je parle l’anglais avec un accent ridicule, tandis que je suis persuadée que je le prononce parfaitement.

— Hortense, à Anvers on nous savait riches ; en Angleterre, nous n’avons jamais été connus que pauvres.

— Précisément, et ainsi le genre humain est mercenaire. En outre, cher frère, dimanche dernier, si vous vous en souvenez, il faisait très-humide ; en conséquence, j’allai à l’église avec mes jolis sabots noirs, objets que l’on ne porterait pas dans une ville élégante, mais que j’ai toujours eu coutume de porter à la campagne pour marcher dans les chemins boueux. Eh bien ! le croiriez-vous ? lorsque je traversais la nef, grave et calme, comme c’est mon habitude, quatre ladies et autant de gentlemen se sont mis à rire en se cachant le visage derrière leur livre de prières.

— Bien, bien ! Ne mettez plus de sabots, alors ; je vous ai déjà dit que je pensais que ce n’était pas ce qui convenait en ce pays.

— Mais, mon frère, ce ne sont pas des sabots communs comme en portent les paysans. Ce sont des sabots noirs, très-propres, très-convenables. À Mons, à Leuze, villes peu éloignées de l’élégante capitale, de Bruxelles, il est très-rare que les gens les plus respectables portent autre chose pendant l’hiver. Que quelqu’un essaye donc de piétiner dans la boue des chaussées flamandes avec des brodequins de Paris, et il m’en dira des nouvelles.

— Laissez là Mons et les chaussées flamandes ; faites à Rome ce que font les Romains ; quant à la camisole et au jupon, je n’ai pas d’opinion là-dessus. Je n’ai jamais vu une lady porter de semblables vêtements. Demandez à Caroline Helstone.

— Caroline ! Que je demande à Caroline ? Que je la consulte sur ma toilette ? Mais c’est elle qui devrait me consulter sur tous les points ; c’est une enfant.

— Elle a dix-huit ans, ou tout au moins dix-sept ; elle est d’âge à savoir tout ce qui concerne les robes, les jupes et les chaussures.

— Ne gâtez pas Caroline, je vous en prie, mon frère ; ne lui donnez pas plus d’importance qu’elle n’en doit avoir. À présent, elle est modeste, sans prétentions ; gardons-la ainsi.

— De tout mon cœur ! Viendra-t-elle ce matin ?