Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/596

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ne serai pas banqueroutier ; maintenant, je n’abandonnerai pas mes affaires ; maintenant, je ne quitterai pas l’Angleterre ; maintenant, je ne serai plus pauvre, je pourrai payer mes dettes ; tout le drap que j’ai dans mes magasins me sera acheté, et je recevrai des commissions pour une quantité beaucoup plus considérable. Ce jour donne à ma fortune une large et solide fondation, sur laquelle, pour la première fois de ma vie, je puis construire avec sécurité. »

Caroline dévorait ses paroles ; elle tenait ses mains dans les siennes ; elle respira longuement.

« Vous êtes sauvé ? Vos lourds embarras sont levés ?

— Ils sont levés ; je respire, je puis agir.

— Enfin ! Oh ! la Providence est bonne. Remerciez-la, Robert.

— Je remercie la Providence.

— Et moi aussi, je la remercie, pour l’amour de vous. »

Elle levait au ciel des yeux pleins de ferveur.

« Maintenant, je puis prendre plus d’ouvriers, donner de meilleurs salaires, concevoir des plans plus sages et plus libéraux, faire quelque bien, être moins égoïste. Maintenant, Caroline, je peux avoir une maison, une maison que je pourrai appeler mienne, et maintenant… »

Il s’arrêta, car sa voix était profondément émue.

« Et maintenant, reprit-il, maintenant, je puis penser au mariage ; maintenant, je puis chercher une femme. »

Ce n’était point pour elle le moment de parler, elle garda le silence.

« Est-ce que Caroline, qui espère tendrement être pardonnée comme elle pardonne, me pardonnera tout ce que je lui ai fait souffrir, tout ce long tourment que je lui ai méchamment causé, toute cette maladie de corps et d’esprit qu’elle m’a due ? Oubliera-t-elle ce qu’elle sait de ma pauvre ambition, de mes desseins sordides ? Me permettra-t-elle d’expier tout cela ? Me permettra-t-elle de lui prouver que, si je l’ai autrefois abandonnée cruellement, si j’ai joué avec son affection, si je l’ai injuriée bassement, je peux maintenant l’aimer fidèlement, la chérir avec tendresse ? »

Sa main était toujours dans celle de Caroline : une douce pression lui répondit.

« Est-ce que Caroline est à moi ?

— Caroline est à vous.