Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/680

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gracieux daims broutant l’herbe humide qui commençait à prendre la fraîcheur et la verdure du printemps, et d’aller jusqu’au cottage de Nancy Brown, une pauvre veuve dont le fils travaillait tout le jour dans les champs ; elle était affligée d’une inflammation des yeux qui, depuis quelque temps, la rendait incapable de lire, à son grand chagrin, car c’était une femme d’un esprit sérieux et réfléchi. J’allai donc, et la trouvai seule, comme d’habitude, dans sa petite cabane sombre, sentant la fumée et l’air renfermé, mais aussi propre qu’elle la pouvait tenir. Je la trouvai assise devant son petit feu, tricotant activement, avec un petit coussin à ses pieds, placé là pour la commodité de son gentil ami le chat, qui y était couché mollement, sa longue queue encerclant ses pattes veloutées et les yeux demi-clos regardant le feu d’un air rêveur.

« Eh bien, Nancy, comment allez-vous, aujourd’hui ?

— Doucement, miss. Mes yeux ne vont pas mieux, mais mon esprit est un peu plus tranquille, » répondit-elle en se levant et en me saluant d’un air content, ce qui me fit plaisir à voir, car Nancy avait été quelque peu atteinte de mélancolie religieuse.

Je la félicitai sur son changement. Elle convint que c’était un grand bienfait du ciel, et s’en montra très-reconnaissante, ajoutant :

« S’il plaît à Dieu de me conserver la vue et de me permettre de lire encore la Bible, je me croirai aussi heureuse qu’une reine.

— J’espère qu’il vous la conservera, Nancy, répondis-je ; et, en attendant, je viendrai vous faire la lecture de temps en temps, quand je pourrai disposer d’un moment. »

Avec des expressions de reconnaissance, la pauvre femme se leva pour m’offrir une chaise ; mais, comme je lui en avais épargné la peine, elle s’occupa de tisonner le feu et d’y jeter quelques morceaux de bois, puis alla prendre sa Bible sur le rayon, l’épousseta avec soin et me l’apporta. Lui ayant demandé s’il y avait quelque passage qu’elle désirât entendre de préférence, elle me répondit :

« Eh bien, miss Grey, si cela vous est égal, j’aimerais à entendre ce chapitre de la première épître de saint Jean, qui dit : « Dieu est amour, et celui qui habite dans l’amour, habite en Dieu, et Dieu en lui. »