Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/358

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b) Il est nécessaire, en outre, de dire que, dans la question présente, le rôle de l’antisigma, tel que l’avait imaginé l’empereur Claude, est aussi incertain et aussi obscur que son existence fut courte. — Quelle idée un signe ayant, d’après son inventeur même et d’après les grammairiens (notamment Priscien), le son ps, pouvait-il éveiller dans l’esprit du lecteur ? Et comment ce son ps pouvait-il inciter, même un érudit averti, à lire, en le transposant, le texte parcouru ? La question est complexe ; Leclerc n’a point cherché à la résoudre ; et certes a-t-il sagement agi, car sous cet aspect elle paraît insoluble.

— Mais tout autrement en est-il si, toujours avec M. Cagnat et d’après de nombreux documents, l’on admet que, en dehors de l’époque de Claude, « le C retourné — C — est non point une lettre », mais une sigle qui a plusieurs significations :

Les textes épigraphiques latins ne sont pas toujours écrits en toutes lettres ; la majorité même se présentent en abrégé. Ces abréviations, que les Romains appelèrent d’abord notæ, et postérieurement sigta, sont de deux sortes : les unes se composent seulement de la première lettre du mot, et, dans ce cas, on les nomme « sigles » ; … les autres, et c’est peut-être le plus grand nombre, consistent en un groupe de plusieurs lettres, généralement les lettres initiales du mot.

Et M. Cagnat ajoute[1] :

Certaines lettres abréviatives sont retournées sur les inscriptions. Une semblable disposition indique souvent le féminin… Mais, dans d’autres cas, il ne faut chercher dans cette disposition qu’une convention paléographique ; on verra ci-dessous que signifie caput, conductor, contra, corona et d’autres mots encore qui n’ont entre eux de commun que de commencer par un C.

— La « table alphabétique des sigles et abréviations » dressée par le même auteur donne, pour C dans sa forme régulière ou légèrement modifiée, >, huit significations différentes, parmi lesquelles celle de contra. Ce dernier mot latin, tantôt préposition, tantôt adverbe, se traduit, suivant les cas, par les expressions en face de, en sens contraire, en montant, et en face, vis-à-vis, d’autre part, de l’autre côté.

La solution de la question qui nous occupe s’impose dès lors avec force à l’esprit. — Les copistes, des premiers temps de l’ère chrétienne jusqu’au moyen âge, furent presque exclusivement des moines ou des clercs particulièrement versés dans l’étude des langues grecque et latine. Ayant, soit par suite d’une erreur, soit pour tout autre motif, des vers à transposer, c’est-à-dire à remonter, ou à placer d’autre part, de l’autre côté d’autres vers, ils se souvinrent — simplement peut-être parce que ce signe figurait déjà sur les manuscrits qu’ils avaient à recopier — qu’une sigle latine courante, C, leur permettait d’indiquer la transposition sans recourir à l’inscription, dans la marge, du mot contra indispensable pour prévenir le lecteur[2].

  1. Cours d’épigraphie latine, p. 374.
  2. Cette sigle se rencontre dans les premières productions de l’imprimerie, et