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DON JUAN

étudie révolution de la musique dramatique, si ce n’est au musée d’Etat qu’est l’Opéra ? Et quelle œuvre pourrait donc, mieux que Don Juan, légitimer cette évolution ?

À l’aide de moyens nouveaux pour l’époque où il vivait et que les temps ont renouvelés, Mozart, avec Don Juan, comme le fit Gluck avec ses sublimes tragédies, ouvrit au drame lyrique contemporain la belle route glorieuse où il marche à cette heure. Et il est à remarquer que les deux génies si différents édictèrent de façon identique les mêmes lois d’art. Médiocre musicien, techniquement parlant, Gluck n’est cependant pas amoindri par Mozart, la musique personnifiée. L’étonnante puissance du premier est si grande, si formidable, que ses personnages, en leurs colossales proportions, chantant simplement ce qu’ils doivent chanter, nous semblent des êtres à part, espèces de géants humains, tous frères et sœurs, enfants pareils nés d’un unique cerveau, d’un cerveau divin. Le second, souverain virtuose d’écriture et de pensée, façonna, en l’extraordinaire polyphonie des voix et de l’orchestre, des créatures absolument dissemblables, celles-là, frémissantes des infinies passions qui mènent le monde, si naturellement secouées par le rire ou les larmes qu’elles paraissent jouer, pour leur propre compte, la comédie heureuse ou