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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

celui-ci les supprime pour ainsi dire, car, après l’interruption réglementaire, en un mode orchestral identique, il reprend ses thèmes dans le ton précis où il les avait quittés. Maintenant, en la maison de Daland, des fileuses sont au rouet et leur gaie chanson n’arrache pas Senta à la contemplation d’un étrange portrait d’homme suspendu à la muraille. Les yeux fixés sur l’image de vision, la jeune fille murmure d’abord et puis clame avec une sorte d’enthousiasme farouche la ballade du vaisseau fantôme, y mêlant la mélodie de prière et de pardon entendue dans l’ouverture. Qu’importent les rires des compagnes et les reproches du fiancé ? Le maudit doit être sauvé par l’ange, et quand la porte s’ouvre, montrant sur son seuil le Hollandais, Senta pousse un grand cri et demeure immobile devant l’étranger. Tous deux se regardent en un long silence d’effroi. Bientôt l’homme dit la douleur des éternités d’angoisses, l’espoir toujours trompé de la délivrance, et la femme lui répond par la tendresse, la compassion, le serment de fidélité et de sacrifice. Et un cantique de joie exultante monte et s’élargit, multipliant ses sonorités, reliant les actes comme l’avait fait déjà le refrain du pilote.

À présent, dans le port, le navire norvégien, illuminé en la bruyante et brutale fête du départ,