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FIDELIO

sans autre souci que d’écouter son cœur, d’en noter les tempêtes, s’attribue la haute et noble mission d’élever les âmes par de beaux chants de vérité, de tendresse, d’amour, de haine, de douleur, de bonheur et de passion, Beethoven, assurément, fut homme de théâtre, aussi bien au théâtre, au concert, à l’église qu’ailleurs et Fidelio est un chef-d’œuvre de théâtre, tout comme Don Juan qui, quoique composé par un symphoniste, n’en est pas moins un chef-d’œuvre de théâtre.

Il y a dans Fidelio non seulement de la musique (tantôt charmante, tantôt émouvante, tantôt claire, lantôt sombre, fantôt joyeuse, tantôt désespérée, il y en a d’un bout à l’autre de la partition, ce qui n’est point à dédaigner, n’est-ce pas ?), mais il y a encore en ce chef-d’œuvre les plus magnifiques, les plus sublimes accents d’humanité. On sait l’origine et le sujet de la pièce. Gaveaux d’abord, Paër ensuite avaient, sur un livret de Bouilly, écrit chacun une Léonore dont la réussite fut du reste médiocre. En sortant d’une représentation de la seconde de ces Léonore, Beethoven répondit à Paër, lui demandant ce qu’il pensait de son ouvrage : « Votre opéra me plaît : je vais le mettre en musique. » Il exécuta sa menace. Le mélodrame de Bouilly, très naïvement char-