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TRISTAN ET ISEULT

et que Tristan n’a fait qu’accroître. Il faut dire aussi que les quarante années de luttes, luttes suivies d’un triomphe dont l’histoire de l’art ne nous fournit aucun exemple et qui est absolument définitif, ont bien émoussé la curiosité du public. On sent qu’avant peu se manifestera en lui non pas une fatigue de l’admiration — tant que des hommes aimeront, souffriront, vivront, ils admireront Richard Wagner — mais un impérieux désir de sensations neuves. Sur la scène même où, depuis sa victoire, le conquérant règne en une juste apothéose, s’est préparée la représentation d’un ouvrage qui, pendant près d’un demi-siècle, a attendu son tour : la Prise de Troie, d’Hector Berlioz. Cette représentation déterminera-t-elle à Paris un « mouvement » français ? Je ne puis que l’espérer. Ce dont je crois être sûr, c’est qu’avec Tristan et Iseult le wagnérisme a atteint chez nous le terme suprême de sa marche en avant, c’est que l’émotion ressentie, l’effet produit ne seront point égalés au jour, prochain ou non, trop tardif certainement, où la Tétralogie, soit en son intégralité, soit moins morcelée qu’on ne nous la donne à cette heure, sera offerte à nos foules, changeantes comme toutes les foules.

Ce qui me permet de parler ainsi, ce qui a rempli d’enthousiasme les spectateurs, c’est que