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ORPHÉE

dont on remarque l’extrême liberté de forme musicale. Par la suppression — définitive, espérons-le — de l’air à vocalises abominable qui déshonore la partition d’Orphée — car cet air n’est pas de Gluck — le premier acte retrouve sa magnifique conclusion vocale et orchestrale (ah ! l’étonnant rythme des violons !) toute frémissante de trouble, d’effroi et de doute.

Les deux tableaux suivants constituent une de ces créations de géant ou de dieu en face desquelles on reste confondu, tremblant, humilié de sa petitesse. Après les sombres dissonances du prélude, retentissent, éloignés, les accords de la lyre qui sera bientôt victorieuse. Le chœur des démons, en un furieux mouvement, riposte d’abord avec une sauvage énergie ; l’orchestre s’agite, hurle et gronde, et le chant d’Orphée, sublime prière du sublime poète, se rapproche et s’élève. « Non ! non ! crient les démons, non ! non ! » et la prière d’angoisse se continue et s’achève dans les larmes. Mais tout s’apaise, les sonorités s’estompent, s’effacent et les flûtes, calme blancheur après cette féroce noirceur, lentement, doucement, jouent les merveilleuses musiques élyséennes. Ineffables scènes de félicité tranquille, de tendre bonheur, vues à travers le féerique brouillard vaporeux d’une instrumentation de rêve. Une ombre heureuse chante et des