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DE PHILIPPE

vait chaque fois qu’il était contredit, plus encore, chaque fois qu’il n’était pas applaudi. Il ne pouvait parler, il ne pouvait penser que des phrases, des remarques qui fussent tout de suite des mots, que les murmures admiratifs de la salle accompagnaient d’une musique qui lui était nécessaire.

Il voulut se reprendre par la perspicacité, par l’analyse des dessous :

— Entre nous, vous me permettez de vous le dire, vous aimez une femme mariée, et c’est ce qui fait la délicatesse et la sensibilité de vos vers. Je la vois, une petite femme qui s’est donnée une fois et qui revint chez elle, toute craintive de son péché, et d’être surprise, aussi. Elle se fait mille peurs, et le mari pourtant est bien loin de tout ça. Il pense aux amis qu’il rejoindra ce soir, et, comme par feinte, songeant à son rendez-vous, elle se plaignait hier qu’il la laissât toujours seule, au lieu de penser à la trahison (s’il y a trahison) de sa femme, il cherche le prétexte pour sortir, sans soulever de querelles. Elle aime pourtant celui à qui elle s’est donnée, mais elle a si peur qu’elle ne sait plus…

Philippe aurait continué longtemps, si l’autre ne s’était mis à sourire…

— C’est ça, n’est-ce pas ? Je touche juste ?

— Très juste, mais je n’ai pas de maîtresse et je n’aime que ma femme…