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LA FOLLE EXPÉRIENCE

— J’ai pas besoin de ta bague… Filez, à cette heure, petits voleurs…

Quand ils se furent éloignés au pas de course et qu’ils s’arrêtèrent pour souffler, Dufort, voyant l’air piteux de Philippe qui, un peu plus, se mettait à pleurer, Dufort, dans la bonté qui revenait toujours chez cet être fruste, eut une inspiration :

— Maintenant, on va aller chez nous… Maman n’arrivera pas avant deux, trois heures, je sais où elle a sa cachette, il y a pas mal de dollars…

— Chez moi aussi, et je sais où ma tante cache son magot…

Philippe sentait qu’il accepterait l’offre de son ami, mais il était humilié que ce fût l’autre qui volât à sa place, content néanmoins que les risques fussent pour Dufort.

— Non, ta tante est toujours là… Il y a plus de chance chez nous.

La vanité de Philippe se consola en pensant au Disciple de Paul Bourget qu’il venait de lire : lui, Philippe, faisait une expérience psychologique, et c’est Dufort après tout, cet imbécile, qui lui servait de cobaye. Un être supérieur doit se servir des autres, tout en évitant de se troubler en prenant des risques inutiles. Le nom de Nietzsche lui venait à l’esprit, bien qu’il ne connût l’Allemand que par de courtes analyses.

Ainsi, lorsque, passant par derrière (Dufort