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LA FOLLE EXPÉRIENCE

entendu il rêvait au suicide, et le remettait de jour en jour.

Parfois, des nuits d’insomnie, il se levait, et, en tapinois, allait à la petite cave de son père, où il volait des bouteilles de liqueurs entamées, curaçao, bénédictine, qu’il vidait d’un trait et qui lui donnaient ses rêves d’antan. Pour empêcher qu’on ne vît de la lumière dans sa chambre, il bouchait tous les interstices, le trou de la serrure, les rainures du bois et il se mettait à lire avec délices. Cela ne durait guère, et, avec la dépression, son anxiété redoublait, et il craignait maintenant qu’on ne découvrît le vol de la cave. Philippe était très malheureux, et il ne trouvait de consolation qu’à s’enfoncer dans le blasphème et l’impiété. À des cousines religieuses, il adressait, déguisant son écriture, des lettres obscènes, et, le dimanche, il trouvait toujours des prétextes pour ne pas assister à la messe commune : il éprouvait du plaisir à passer devant les églises, dans de longues promenades, et à se dire : « Je ne suis pas de ces imbéciles qui vont s’agenouiller. » Il va de soi que Philippe ne voyait qu’un acte indifférent dans quelque pratique religieuse que se fût, mais il lui fallait braver, il aurait assisté à une messe noire. Dans sa folie, et bien qu’il méprisât le protestantisme, il alla au meeting trois, quatre fois, comme pour se prouver qu’il était excommunié. Trouvant une bouteille d’eau bé-