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DE PHILIPPE

nite sur la table de sa tante il la vida, versant ensuite l’eau du robinet.

Philippe se disait : « Je suis fou », mais il lui semblait se venger ainsi de toute sa famille, parce que sa famille ne lui donnait guère d’argent et qu’il en avait peur, qu’il avait peur de son père. Et puis, à ce jeune imbécile, il fallait la présence réelle du blasphème. S’il avait su que ce n’était pas la peine, puisqu’il était beaucoup plus sceptique, presque maladivement, que croyant ou incrédule !

Le temps passait, ses études finissaient, et c’était une autre angoisse qui s’ajoutait aux anciennes. Philippe se plaisait encore à la médecine, aux ouvrages de médecine, mais il suffisait que son père fût médecin pour qu’il eût l’horreur de cette profession. Les lettres, il n’y fallait pas songer et il se serait cru déshonoré d’aborder le journalisme. Ce qui le décida, et paradoxalement, ce fut une visite où il accompagna son père.

Le docteur vieillissait et il n’aimait plus à aller aux malades seul. Philippe l’accompagnait parfois :

— Il faut que j’aille voir le père Lanteigne, il y a déjà deux semaines que je l’ai vu, et ce n’est pas par téléphone que l’œil du maître peut décider : tu verras ça, quand tu seras médecin.

Le docteur avait toujours voulu voir son fils médecin, mais Philippe le laissait dire : cette fois, il n’avait qu’un mois pour se décider, il