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DE PHILIPPE

moins d’écrire sur ça, il en ruminait les premières phrases.

Ce n’est que sur le seuil de la maison de rendez-vous qu’il se souvint qu’il avait peu d’argent. Et il ne voulait pas signer de chèque parce que, les premiers jours, il aurait besoin de tout son argent : alcool et le reste. Il joua donc la comédie.

La tenancière, grande femme osseuse, qui lui ouvrit la porte, lui dit, en s’effaçant :

— Je suis à vous tout de suite… Il y a deux bouteilles de bière sur la table… Ça sera pas long…

Philippe marchait de long en large, inquiet : « Si elle n’avait pas de fille ! » Il lui fallait, tout de suite, une femme, pour pleurer, jouer la comédie des larmes — ou faire le cynique. Il n’avait maintenant aucun goût sexuel. La scène faisait partie de la pièce, c’était tout.

Fébrilement, Philippe observait. Les persiennes étaient closes, et le soleil qui passait par les interstices se mêlait à la lumière de la lampe rose, sur le guéridon. Philippe regardait les gravures, les portraits, ces photos de la tenancière, en voile de mariée, au bras d’un homme rougeaud, dont elle était maintenant séparée. Maison de rendez-vous bourgeoise. On entendait, dans la cuisine, mijoter un rôti, et il y avait des relents de choux. Les cendriers avaient été vidés, il y restait pourtant des traces brunes de cigarettes, et dans le coin, un crachoir