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DE PHILIPPE

ses nouveaux amis. Il les collationnait soigneusement et lui disait :

— Fais attention, gare à toi ! On se moque de toi, on te fera faire de mauvais coups…

Après quelques semaines, quelques mois, Philippe revenait à Dufort, et c’était une nouvelle lune de miel : humiliations, tendresses amicales, soûleries.

Un jour, Dufort eut une attaque cardiaque. Toute en larmes, sa femme téléphona à Philippe. D’un air supérieur, il lui répondit des consolations. Il était agacé jusqu’au rire, lorsqu’elle répétait : « Notre malheur », l’associant au sien. À cette époque, Philippe fut ami parfait cependant. Il n’avait trouvé le moyen d’agir autrement. Il était toujours chez eux et elle, connaissant ses vices, lui versait, à son arrivée et à son départ, de fortes rasades. Il la trouvait jolie alors et, dans un sourire bête, il rêvait de tromper son ami. Ses visites étaient mêlées de supériorité condescendante, d’alcool et de sensualité presque virile. En entrant chez Dufort, Philippe avait l’impression de se dévêtir moralement et physiquement. Nudisme obscène.

Philippe trouvait enfin son rôle. Dans ces scènes affreuses et grotesques, il avait enfin ses coudées franches, mal à l’aise que lorsque les situations n’étaient pas vraiment ambiguës. Voilà qu’à la fois, il pouvait montrer sa supériorité, son ami devenu impuissant, il pouvait le plaindre et jouir en outre de tout ce ridicule.