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DE PHILIPPE

fait de lui une image où il était bon et d’un cœur d’or : il apportait toujours des cadeaux aux enfants, un peu parce qu’il aimait à faire plaisir, sa timidité aimait de faire plaisir, et par le truchement des enfants, un peu par vanité et pour que Claire conservât de lui cette illusion qu’il avait un cœur d’or, enfin pour que les enfants les laissent, Lucien et lui, tranquilles dans leurs soulades et leurs compliments réciproques, dans les interminables lectures de leurs œuvres.

Claire en outre avait pitié du pauvre type qui s’enfonçait dans la bohème, et, comme elle lui croyait du talent, elle serait sa protectrice, elle l’empêcherait de sombrer, en restant son égérie. Nos sentiments sont compliqués à l’extrême, et c’est ce mélange de bonté, de beauté et de mesquine laideur que nous savourons dans la vie et qui nous force à l’aimer.

Philippe acceptait d’aller vivre chez Claire, mais il retardait toujours son départ. Attendait-il ; sa timidité, sa lâcheté attendaient-elles la mort de Dufort ? Plus simplement, c’était parce qu’il voulait apporter à Claire un cadeau de bienvenue, un service à thé dont elle parlait sans cesse, depuis qu’il la connaissait et qu’elle n’avait pas acheté, il était sûr, parce que cette femme volontaire, cette vanité volontaire se convainquaient que ce n’était que lui qu’il l’achèterait, qui devait l’acheter. Philippe n’en avait pas le premier sou, et il allait chaque jour