Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/17

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J’ai un peu hésité.

Je n’ai point ici, à Dinard, où je ne suis qu’un passant, les livres qu’il faudrait, pour parler comme je le voudrais, de l’un des plus « livresques » de nos contemporains. Le temps aussi me manque, et peut-être une certaine indépendance d’esprit… Renan n’est mort que depuis une dizaine d’années, et je l’ai beaucoup, et assez particulièrement connu. Son optimisme me déconcertait ; mais sa conversation, très familière, et agréablement décousue, m’amusait. Il était généralement de l’avis de celui qui lui parlait ; et peut-être était-ce de l’ironie ! mais c’était autre chose aussi, et notamment un effet de son impuissance à rien « affirmer ». Ernest Renan avait horreur de la certitude, et, entre autres traits, c’est ce qui le distinguait des « Bleus de Bretagne », de l’amiral Réveillère et de M. Paul Guieysse. Moi, c’est au contraire ce qui me rapprocherait d’eux.

Et voilà pourquoi, cher Monsieur, si nous vivons dans un temps où le « dilettantisme » ressemblerait à de la poltronnerie, j’ai finalement accepté de parler de Renan aux lecteurs de l’Ouest-Éclair, et d’essayer de leur dire quels