Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/133

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Le commandant Gilet et le colonel Bridau sont des « lascars » de cette espèce. Quelques restes de vertus militaires, — la bravoure physique, le sang-froid en présence du danger, la rapidité de la décision, un mépris de la vie qui d’ailleurs s’accorde fort bien, tant qu’on vit, avec le ferme propos de tirer de la vie tout ce que l’on pourra de jouissances, — ne servent qu’à masquer en eux les pires des vices et les plus dangereux. De tels hommes caractérisent une époque. Leurs vices ou leurs appétits peuvent bien être de tous les temps ; leur manière de les satisfaire n’est que de sa date. Expressifs ou représentatifs, ils le sont surtout d’un ensemble ou d’un concours de circonstances qui ne se sont rencontrées qu’une fois, et dont ils ont commencé par être les « créatures » avant d’en devenir l’ « expression ». Et peut-être, au lieu de « créatures » devrais-je dire « les produits », si peut-être ce mot rendait mieux encore ce qu’il y a d’eux en eux qui n’est pas d’eux, mais du « moment » et comme on dit, de l’ « ambiance » où ils ont évolué ; et c’est ce qui achève d’en préciser la signification historique. Ce sont des