Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/141

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différence que la moins fameuse des « batailles connues » a interrompu ou changé des milliers de destinées humaines, tandis qu’après tout la défaite ou la victoire de madame de Mortsauf sur elle-même et sur sa passion, n’intéresse qu’elle-même… et ce grand nigaud de Félix de Vandenesse. Ce n’est pas moi qui l’appelle un grand nigaud ! c’est madame de Manerville, à laquelle il avait eu l’imprudence ou la fatuité d’adresser le manuscrit du Lys dans la Vallée. Mais n’épiloguons pas sur le choix de l’exemple ! Au lieu du Lys dans la Vallée, supposons qu’il s’agisse de la Cousine Bette ; et comprenons ce que Balzac a voulu dire.

Il a cru, pour l’avoir observé, que nos actions, même publiques, étaient toujours, comme on dit aujourd’hui, « conditionnées » par les circonstances de notre vie privée. Il a cru que les causes, qui dans un cas donné déterminaient les actions d’un homme en un sens, et celles d’un autre homme dans un autre sens, étaient situées en général plus loin et plus profondément qu’on ne le pense, et ne dépendaient pas tant de l’heure ou de la circonstance, que d’une longue préméditation des acteurs, incon-