Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/241

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souvent punis, ni la vertu toujours suffisamment récompensée ; et que l’humanité, quelque peu d’estime que l’on en fasse, vaut pourtant mieux que l’idée qu’en donne la Comédie humaine ? C’est en effet un peu tout cela que l’on veut dire, quand on parle de l’immoralité du roman de Balzac ; et nous, quand on aurait raison sur tous ces points, ce qui n’est pas du tout prouvé, nous le défendrions pourtant contre ce reproche d’immoralité.

Il faut prendre enfin les choses telles qu’elles sont, et surtout quand il s’agit, comme ici, d’une œuvre et d’un homme qui n’ont eu d’autre ambition que de les représenter. Supposé que l’œuvre de Balzac ne fût qu’une galerie de scélérats ou un asile de maniaques, serait-elle donc plus riche en ce genre de monstres que l’œuvre de Shakespeare, ou que celle même du « grand Corneille » ? Les tragiques du passé jouissent, en vérité, d’un singulier privilège ! Que ce soit un Eschyle en son Agamemnon ou un Sophocle en son Œdipe roi ; un Shakespeare en son Hamlet ou en son Roi Lear ; un Corneille en sa Rodogune, — celle de ses tragédies qu’il préférait à toutes les autres,