Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/252

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cause est entendue ; et il ne reste plus qu’à dire quel sera l’objet du roman, si ce sera « de nous rendre les beaux espoirs et les illusions fécondes », ou de faire briller à nos yeux la virtuosité du romancier ! Mais, s’il a le droit de « représenter la vie dans sa totalité », ses libertés devront alors être les mêmes que celles de l’histoire, à laquelle je ne vois pas que l’on ait jamais reproché de nous dire toute la vérité sur les choses et les hommes du passé. Je dis que c’est ce droit, rien de plus, mais rien de moins, que Balzac a revendiqué ; et il l’a conquis pour toujours au roman. Non seulement le roman a le droit de « représenter », comme l’histoire, « la vie dans sa totalité », mais ce droit, depuis Balzac, est proprement sa raison d’être, et on ne pourrait le lui disputer sans ramener le genre à la médiocrité de sa forme classique.

Si nous acceptons cette définition du roman, le romancier n’aura plus guère que deux manières d’être « immoral », ou même qu’une seule, comme l’historien, et ce sera de se tromper, volontairement ou involontairement, sur l’importance relative des faits dans la vie