Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/312

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Mais qu’importe ? et quand on signalerait d’autres lacunes ou d’autres défauts encore dans la Comédie humaine, ce n’est point ainsi, — par doit et avoir — que s’établit le bilan d’un grand écrivain. La postérité a tôt fait d’oublier les défaillances d’un Balzac pour ne se souvenir que de ses chefs-d’œuvre, et le « réaliser » lui-même en eux, — quand il en a laissé ! Ars longa, vita brevis ! La vie est si courte et l’art si difficile qu’on ne demande même rien moins à un « bel ouvrage » que d’être un « ouvrage parfait » ; et ni les folies sanguinaires au milieu desquelles se déroule l’action du Roi Lear, qui n’est pas « une action », ni les préciosités écœurantes que Shakespeare a mises dans la bouche d’Hamlet, n’empêchent Hamlet et le Roi Lear d’être les chefs-d’œuvre qu’ils sont ! Pareillement, il suffit à la gloire de Balzac qu’il soit l’auteur d’Eugénie Grandet, de certaines parties du Père Goriot, de la Recherche de l’Absolu, de César Birotteau, de quelques pages du Lys dans la Vallée, d’un Ménage de Garçon, d’Une ténébreuse Affaire, d’Ursule Mirouet, de la Muse du département, du Curé de village, des Souffrances de l’Inventeur, du Cousin Pons, de la Cousine Bette