Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/319

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langue ; et c’est précisément en ceci, que, comme écrivain, Balzac n’est pas du « premier ordre ». Les écrivains du premier ordre sont ceux qui, sans troubler le cours d’une langue, ni le détourner de sa direction séculaire, le modifient ; et, d’un instrument consacré par la tradition, nous enseignent à tirer des accents nouveaux. Tel un Ronsard au XVIe siècle ; un Pascal au XVIIe siècle ; et, au XIXe siècle, un Chateaubriand ou un Victor Hugo. Comment cela ? Par quels moyens ? C’est ce qu’il est quelquefois assez difficile de dire, mais surtout un peu long, et si nous le pouvions, ce n’est pas ici que nous le ferions. Mais ce qui est certain, c’est que leur passage fait trace profondément dans l’histoire d’une langue, et on n’écrit plus « après eux », comme on faisait avant qu’ils eussent paru. Balzac, évidemment, n’est pas de cette famille ! Il a pu traiter en quelque sorte la langue à sa manière, et modifier la notion du style en assignant, de fait, à l’art d’écrire un tout autre objet que lui-même : il n’a point agi, à proprement parler, sur l’art d’écrire, et sa manière, comme écrivain, n’a point fait école. Elle manquait pour cela de « puissance », ou du moins