Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/43

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n’en est pas moins un moyen d’action très puissant, et, de toutes les sources du « pathétique », l’une des plus abondantes. Prévost, dans ses longs romans, et même dans Manon Lescaut, en a tiré le parti le plus habile ; et avec quel succès ! nous le savons par le témoignage de cette grande enamourée de Julie de Lespinasse. Aussi bien, le hasard joue son rôle dans les affaires humaines ! Il a donc le droit de l’occuper aussi dans la littérature. On se demande même à ce propos si le « romanesque » ne serait pas un autre nom du hasard, plus littéraire ? et, en effet, ce qui est « nécessaire » est rarement romanesque. Un roman est, sans doute, et doit être autre chose, mais il est d’abord un récit d’événements qui pouvaient ne pas arriver. Il n’est pas bien bon s’il n’est que cela, mais il faut qu’il soit cela ! Gil Blas est cela ; Manon Lescaut est cela ; Clarisse Harlowe est cela ; le Père Goriot sera cela.

Et quant à la complication de l’intrigue, je ne me bornerai pas à dire qu’elle est un puissant moyen de soutenir l’intérêt, mais elle en est le principal. Ne faisons pas les dégoûtés, et ne nous piquons pas d’un sot dilettantisme ! Il