sœur : « À quoi bon la fortune et la jouissance quand la jeunesse sera passée ? Le vieillard est un homme qui a dîné et qui regarde les autres manger, et moi je suis jeune, mon assiette est vide et j’ai faim. Laure, Laure, mes deux seuls et immenses désirs, être célèbre et être aimé, — c’est lui qui souligne, — seront-ils jamais satisfaits ? » [Correspondance, 1822, no XV.] Il ne dit pas : « Produire quelque chef-d’œuvre » ni même : « Perpétuer mon nom dans la mémoire des hommes. » Il dit : « Être célèbre ; » et il veut dire de cette célébrité « qui paie ». C’est un côté fâcheux de son caractère. La réalité lui suffit ; elle lui suffira toujours ; et, comme écrivain ou comme homme, son génie pourra la dépasser, mais son idéal, son ambition d’art, n’ira jamais au delà de se rendre maître d’elle. Ce sera la limite aussi de sa conception d’art. Il ne nourrira point de rêve de perfection solitaire ; il « n’hypothéquera pas » son labeur à « la Postérité » ; il n’attendra pas de l’avenir la compensation de ses déboires, ou la revanche de ses insuccès. La gloire ne sera toujours pour lui que « d’être célèbre », et de l’être actuellement, pour et
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