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Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/18

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QUESTIONS DE CRITIQUE

l’heure. Mais, pour le fond, je ne sais si la satire. — politique, sociale, religieuse ou philosophique, — y est aussi violente et aussi hardie, aussi neuve surtout qu’on Ta dit, que l’on le croit, que l’on est convenu de le croire. Il s’est moqué des moines, il s’en est moqué cruellement ; mais qui est-ce qui ne s’est pas moqué des moines, au xvie siècle, en même temps que lui, ou avant lui ? et, dans les moqueries qu’il en fait, que voit-on qui dût déplaire si fort à François Ier, ou à l’auteur de l’Heptaméron ? Il se raille de la scolastique ; mais, quand il commence, quand il publie son Pantagruel, en 1535, combien y a-t-il d’années qu’Ulric de Hutten, par exemple, ou Érasme encore, et tant d’autres, en France comme en Allemagne, ne font pas autre chose ? et la guerre à la scolastique, n’est-ce pas alors, dans toute l’Europe, depuis cinquante ans, et jusqu’à Rome même, sur le trône pontifical, ce que l’on pourrait appeler le mot d’ordre de la renaissance ? Il nous dépeint encore en bouffonnant, les horreurs de la guerre, la sottise ambitieuse de Picrochole et de ses conseillers ; mais pourquoi les rois de son temps, François Ier ou Henri II, eussent-ils été si sots que de se reconnaître eux-mêmes en Picrochole, plutôt qu’en Grandgousier, plutôt qu’en Gargantua, plutôt enfin qu’en Pantagruel, ces modèles de la bonhomie, du bon sens, et de la modération sur le trône ? Rabelaisiens ! un peu de franchise ! et surtout de mesure ! Lisez attentivement les trois premiers livres de votre Bible ; rappelez--