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Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/26

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QUESTIONS DE CRITIQUE

et de pire à la fois dans l’esprit de la renaissance.

Par là s’explique en effet, tout d’abord, selon le mot de La Bruyère, cette « ordure dont il a semé ses écrits ». Il s’y complaît et il s’y délecte, — pour l’amour de la nature. N’y cherchez point de mystère, il n’y en a pas. N’y voyez pas, comme quelques-uns, des palimpsestes d’une nouvelle espèce : il n’y a rien d’écrit par-dessous. N’essayez pas enfin de l’en excuser ou de le justifier sur la liberté du langage de son temps, car ce langage est sien avant d’être celui de ses contemporains. Mais, en réalité, comme chez quelques peintres flamands, comme chez Téniers, comme chez Jordaens, comme chez Rubens lui-même, — dont la Kermesse du Louvre peut servir d’illustration à ce que nous disons, — toutes ces images, bien loin de provoquer chez lui aucune répugnance et de lui soulever le cœur de dégoût, comme à nous, éveillent chez Rabelais l’idée de leur cause, pour ainsi dire, des idées de nourriture facile, abondante et grasse, d’animalité saine et forte, de joie, d’épanouissement, et de dilatation physique. Si le sujet était moins difficile, je ne dis pas que j’aimerais à y insister, mais je ne serais pas embarrassé de montrer que tel est bien le fond, chez Rabelais, de cette sorte de plaisanterie, et combien elle diffère parla dans son Pantagruel de ce qu’elle est dans le Gulliver de Swift, un autre maître, aussi lui, du genre.

Par là encore, par le culte de la nature, s’explique chez Rabelais ce que l’on en a le plus admiré : ses