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« Enjoignons à tous les pères, mères, tuteurs et autres personnes. qui sont chargées de l’éducation des enfants, et nommément de ceux dont les pères et mères ont fait profession de ladite religion prétendue réformée, de les envoyer auxdites écoles et aux catéchismes jusqu’à l’âge de quatorze ans, si ce n’est que ce soient des personnes de telle condition qu’elles puissent et qu’elles doivent les. faire instruire chez eux par des précepteurs bien instruits de la religion et de bonnes mœurs, ou les envoyer aux collèges[1]. »

Ce document mérite d’être lu avec la plus grande attention. D’abord, on y voit les matières des programmes scolaires rangées dans l’ordre où l’estime publique les classe alors. Ce que nous appellerions l’instruction vient à sa place, la dernière. Les enfants devaient apprendre à lire, et « même à écrire » ; mais il est bien clair que ce n’est pas par là qu’on entendait les faire commencer, ni finir. Ils sont à l’école surtout pour apprendre la religion.

En outre, la Déclaration met en lumière un fait peu connu. L’école publique, gratuite et obligatoire, a été créée par la Royauté, au profit de l’Église et pour le service du catholicisme.

Le personnel des écoles. — Nous avons quelques renseignements sur la façon dont se recrutait le personnel ; le plus souvent, une permission de l’autorité ecclésiastique suffisait[2]. « Pour être bon maître d’escolle », dit naïvement un texte du temps, dont je respecte l’orthographe, « il faut bien scavoir la Rithmétique est bien scavoir chanter les cantique facile et surtout aymer à enseigner la jeunesse, estre vertueux[3]. » A Montpellier, les procès-verbaux de la Congrégation (1679-1681), publiés par la Société de l’Histoire du Protestantisme (1878, 213), montrent l’ardeur déployée à réduire les écoles protestantes. On ne s’occupe guère à les remplacer. Dans cette campagne, un rôle important est joué par un nommé Tinel, maître d’école. De son métier il était tailleur d’habits.

  1. Déclaration du Roi qui ordonne l’exécution de l’Édit de révocation de celui de Nantes, pourvoit à l’instruction de ceux qui sont rentrés dans le sein de l’Église catholique et de leurs enfants, et les maintient dans leurs biens en satisfaisant aux devoirs de la religion, donnée à Versailles, le 13 décembre 1698. — Tirée des Mémoires des Évêques de France sur la conduite à tenir à l’égard des Réformés. (1698), éd. Lemoine, 384-388.
  2. Un jour (14 avril 1707), à Nyons, on se trouva assez embarrassé. L’évêque de Vaison avait envoyé un frère des écoles, pour prendre la place d’un nommé Faravel « bon écrivain », mais qui n’était pas autorisé par l’évêque. Le frère déclara qu’il ne savait pas le latin, son écriture ne fut pas trouvée bonne, et il fut incapable de lire un protocole qu’on lui présenta. Les conseillers, pour se tirer d’affaire, décidèrent de l’associer à Faravel (Bull. départ. de l’instr. prim. de la Drôme, VIe an., 5, p. 213-4.)
  3. Rapp. de Sauvestre sur l’Ens. prim. en Fr. avant 1789 (1880), 95. Mus. Pédag., ms. XXXV, C.